Quadrilatère complet

Quadrilatère complet ABCDEF. Les trois diagonales sont (AC), (BD) et (EF).

Un quadrilatère complet est une figure de géométrie plane constituée de quatre droites dont deux quelconques ne sont pas parallèles ni trois quelconques concourantes.

Une autre manière de définir un quadrilatère complet est de compléter un quadrilatère convexe ABCD par le point E intersection des droites (AB) et (CD) et le point F intersection des droites (AD) et (BC).

Les intersections de ces quatre droites donnent six sommets. L'intersection de deux droites et l'intersection des deux autres droites sont des sommets opposés. Le segment joignant deux sommets opposés est une diagonale. Il y a trois diagonales dans un quadrilatère complet.

Cette figure est très liée à la géométrie projective et fut étudiée dès le IIe siècle par Ménélaüs puis Pappus d'Alexandrie.

Propriétés

Une division harmonique sur les diagonales

Chacune des trois diagonales (BD), (EF) et (AC) est divisée harmoniquement par les deux autres.

Chaque diagonale coupe les deux autres en créant des divisions harmoniques. De manière plus explicite la diagonale (BD) est coupée par les diagonales (AC) et (EF) en I et J tels que

I B ¯ I D ¯ : J B ¯ J D ¯ = 1. {\displaystyle {\frac {\overline {IB}}{\overline {ID}}}{\mathrel {:}}{\frac {\overline {JB}}{\overline {JD}}}=-1.}

De même si K est l'intersection des diagonales (AC) et (EF) :

J E ¯ J F ¯ : K E ¯ K F ¯ = 1 , K A ¯ K C ¯ : I A ¯ I C ¯ = 1. {\displaystyle {\frac {\overline {JE}}{\overline {JF}}}{\mathrel {:}}{\frac {\overline {KE}}{\overline {KF}}}=-1,\quad {\frac {\overline {KA}}{\overline {KC}}}{\mathrel {:}}{\frac {\overline {IA}}{\overline {IC}}}=-1.}

C'est un avatar projectif de la propriété des diagonales du parallélogramme (cas où l'une des diagonales du quadrilatère complet est la droite à l'infini dans le plan projectif vu comme plan affine complété), à savoir qu'elles se coupent en leur milieu (cas limite de division harmonique).

On en donne une première démonstration géométrique, qui utilise les propriétés des faisceaux harmoniques : la propriété caractéristique qui est que toute sécante à un faisceau harmonique est découpée suivant une division harmonique, et l'existence et l'unicité d'une quatrième harmonique.

Démonstration géométrique

Étant donné trois droites issues d'un point, il n'existe qu'une seule droite formant avec celles-là un faisceau harmonique.

Notons [ O | A 1 , A 2 , A 3 , A 4 ] {\displaystyle [O|A_{1},A_{2},A_{3},A_{4}]} le faisceau des droites ( O A 1 ) , ( O A 2 ) , ( O A 3 ) , ( O A 4 ) {\displaystyle (OA_{1}),(OA_{2}),(OA_{3}),(OA_{4})} (les points A 1 , A 2 , A 3 , A 4 {\displaystyle A_{1},A_{2},A_{3},A_{4}} n'étant pas forcément alignés).

Soit I {\displaystyle I} le point d'intersection des diagonales ( A C ) {\displaystyle (AC)} et ( B D ) {\displaystyle (BD)} . Soit M {\displaystyle M} l'unique point sur la droite ( E I ) {\displaystyle (EI)} tel que le faisceau [ F | E , M , B , D ] {\displaystyle [F|E,M,B,D]} soit harmonique. Posons H = ( F M ) ( B C ) {\displaystyle H=(FM)\cap (BC)} et H = ( F M ) ( A D ) {\displaystyle H'=(FM)\cap (AD)} .

On a [ F | E , M , B , D ] = [ F | E , H , B , C ] {\displaystyle [F|E,M,B,D]=[F|E,H,B,C]} , de sorte que le faisceau [ I | E , H , B , C ] {\displaystyle [I|E,H,B,C]} est harmonique (rappelons que le fait d'être harmonique ne dépend que de la position des points d'intersection avec une sécante ; ici la sécante est la droite ( E C ) {\displaystyle (EC)} ).

Pour une raison analogue, il en est de même de [ I | E , H , A , D ] {\displaystyle [I|E,H',A,D]} .

Mais comme ( I A ) = ( I C ) {\displaystyle (IA)=(IC)} et que ( I B ) = ( I D ) {\displaystyle (IB)=(ID)} , on a [ I | E , H , A , D ] = [ I | E , H , C , B ] {\displaystyle [I|E,H',A,D]=[I|E,H',C,B]} . Or [ I | E , H , C , B ] {\displaystyle [I|E,H',C,B]} étant harmonique, il en est de même de [ I | E , H , B , C ] {\displaystyle [I|E,H',B,C]} de sorte que les deux faisceaux [ I | E , H , B , C ] {\displaystyle [I|E,H,B,C]} et [ I | E , H , B , C ] {\displaystyle [I|E,H',B,C]} sont tous deux harmoniques et possèdent trois droites communes. En vertu de la propriété d'unicité, ces deux faisceaux sont identiques et par conséquent ( I H ) = ( I H ) {\displaystyle (IH)=(IH')} .

Ainsi I = ( H H ) ( E I ) = M {\displaystyle I=(HH')\cap (EI)=M} par définition de M {\displaystyle M} .

Le faisceau [ F | J , I , B , D ] {\displaystyle [F|J,I,B,D]} est donc harmonique ce qui signifie que [ I , J ] {\displaystyle [I,J]} divise harmoniquement [ B , D ] {\displaystyle [B,D]} .

Démonstration analytique

Soit Y = λ X {\displaystyle Y=\lambda X} , Y = μ X {\displaystyle Y=\mu X} deux droites issues de O {\displaystyle O} . A = ( a , 0 ) {\displaystyle A=(a,0)} un point de l'axe des x {\displaystyle x} ; Y = α ( X a ) {\displaystyle Y=\alpha (X-a)} et Y = β ( X a ) {\displaystyle Y=\beta (X-a)} deux droites issues de A {\displaystyle A} . On note M i ( x i , y i ) {\displaystyle M_{i}(x_{i},y_{i})} les quatre points d'intersection.

On calcule facilement x 1 = a α α λ {\displaystyle x_{1}={\frac {a\alpha }{\alpha -\lambda }}} d'où l'on tire par permutation :

x 2 = a β β λ , x 3 = a β β μ , x 4 = a α α μ . {\displaystyle \quad x_{2}={\frac {a\beta }{\beta -\lambda }},\quad x_{3}={\frac {a\beta }{\beta -\mu }},\quad x_{4}={\frac {a\alpha }{\alpha -\mu }}.}

La droite ( M 1 M 3 ) {\displaystyle (M_{1}M_{3})} a pour équation :

| X x 1 x 3 Y λ x 1 μ x 3 1 1 1 | = | X a α a β Y a λ α a μ β 1 α λ β μ | = 0. {\displaystyle \quad {\begin{vmatrix}X&x_{1}&x_{3}\\Y&\lambda x_{1}&\mu x_{3}\\1&1&1\end{vmatrix}}={\begin{vmatrix}X&a\alpha &a\beta \\Y&a\lambda \alpha &a\mu \beta \\1&\alpha -\lambda &\beta -\mu \end{vmatrix}}=0.}

On en tire l'abscisse ω {\displaystyle \omega } du point d'intersection avec l'axe O x {\displaystyle Ox}  :

ω = a 2 α β ( λ μ ) | a λ α a μ β α λ β μ | . {\displaystyle \quad \omega ={\frac {a^{2}\alpha \beta (\lambda -\mu )}{\begin{vmatrix}a\lambda \alpha &a\mu \beta \\\alpha -\lambda &\beta -\mu \end{vmatrix}}}.}

Par permutation on déduit celle ω {\displaystyle \omega '} de ( M 2 M 4 ) ( O x ) {\displaystyle (M_{2}M_{4})\cap (Ox)}  :

ω = a 2 α β ( λ μ ) | a λ β a μ α β λ α μ | . {\displaystyle \quad \omega '={\frac {a^{2}\alpha \beta (\lambda -\mu )}{\begin{vmatrix}a\lambda \beta &a\mu \alpha \\\beta -\lambda &\alpha -\mu \end{vmatrix}}}.}

Il en résulte

1 ω + 1 ω = 1 a 2 α β ( λ μ ) ( | a λ α a μ β α λ β μ | + | a λ β a μ α β λ α μ | ) = 2 a {\displaystyle {\frac {1}{\omega }}+{\frac {1}{\omega '}}={\frac {1}{a^{2}\alpha \beta (\lambda -\mu )}}\left({\begin{vmatrix}a\lambda \alpha &a\mu \beta \\\alpha -\lambda &\beta -\mu \end{vmatrix}}+{\begin{vmatrix}a\lambda \beta &a\mu \alpha \\\beta -\lambda &\alpha -\mu \end{vmatrix}}\right)={\frac {2}{a}}}

après développement des déterminants.

Remarque : on aurait pu prendre a = 1 {\displaystyle a=1} mais la moyenne harmonique aurait été moins visible.

Démonstration en géométrie projective
Quadrilatère complet ABCDEF et son image AB'CD'EF par une transformation projective

Cette démonstration utilise les propriétés des applications projectives du plan: elles sont déterminées par l'image des 4 points d'un repère projectif, elles conservent l'alignement et le birapport.

(A,C,F,E) est un repère projectif. On considère l'application projective qui laisse A et C invariants et qui envoie E [resp. F] vers E [resp.F] point à l'infini de la droite (AE) [resp. (AF)].

  • L'image B' de B est à l'intersection de la droite (AF) et de la droite (CE) parallèle à (AE);
  • L'image D' de D est à l'intersection de la droite (AE) et de la droite (CF) parallèle à (AF)

Le quadrilatère AB'CD' est donc un parallélogramme

  • L'image de I est le point I' intersection des diagonales (AC) et (B'D')
  • l'image de J est le point J intersection des droites (B'D') et (EF)

Le birapport [B'C'I'J] est égal à -1, donc le birapport [BCIJ] est aussi égal à -1.

Des raisonnements analogues prouvent les autres divisions harmoniques

Cette propriété peut aussi se déduire du théorème de Ménélaüs et du théorème de Ceva, ou permettre de démontrer l'un de ces théorèmes à partir de l'autre.

La droite de Newton

La droite de Newton (IJK).

Les milieux des trois diagonales sont alignés sur une droite appelée droite de Newton.

Théorème de Miquel

Article détaillé : Théorème de Miquel.
Illustration du théorème de Miquel : les cercles circonscrits aux quatre triangles inclus dans le quadrilatère complet passent par le même point (en noir).

Les cercles circonscrits aux triangles (EAD), (EBC), (FAB) et (FDC) sont concourants.

Théorème d'Urquhart

Découvert par le mathématicien australien M. L. Urquhart (1902-1966) alors qu'il travaillait sur des concepts fondamentaux de la théorie de la relativité spéciale, celui-ci l'a surnommé « théorème le plus élémentaire de la géométrie euclidienne », puisqu'il n'implique que les concepts de droite et de distance.

Avec les notations de l'article, le théorème s'énonce ainsi :

Théorème — Dans un quadrilatère complet, si AB + BC = AD + DC, alors AE + EC = AF + FC.

Démonstration

Tout d'abord, par la loi des sinus, on peut établir que le périmètre d'un triangle XYZ peut s'obtenir par :

P X Y Z = 2 Y Z 1 tan ( Y ^ 2 ) tan ( Z ^ 2 ) {\displaystyle {\mathcal {P}}_{XYZ}={\frac {2\,YZ}{1-\tan({\frac {\widehat {Y}}{2}})\tan({\frac {\widehat {Z}}{2}})}}}

Dans le quadrilatère complet, les triangles ABC et ADC ont AC comme côté commun, de même que les triangles AEC et AFC. Il suffit alors, en calculant les angles du quadrilatère complet, d'utiliser l'égalité précédente pour montrer que P A E C = P A F C P A B C = P A D C {\displaystyle {\mathcal {P}}_{AEC}={\mathcal {P}}_{AFC}\Longleftrightarrow {\mathcal {P}}_{ABC}={\mathcal {P}}_{ADC}} .

Voir d'autres démonstrations ici[1].

Utilisation remarquable

Le dual du quadrilatère complet est le quadrangle complet.

Le quadrangle complet inscrit dans une conique est très utile pour démontrer certaines propriétés des tangentes et des polaires dans une conique.

Voir aussi

Bibliographie

  • Jean-Denis Eiden, Géométrie analytique classique, Calvage & Mounet, 2009 (ISBN 978-2-91-635208-4)
  • Petite encyclopédie de mathématique, éd. Didier
  • Jean Fresnel, Méthodes modernes en géométrie
  • Bruno Ingrao, Coniques affines, euclidiennes et projectives, Calvage & Mounet (ISBN 978-2-916352-12-1)
  1. Jean-Pierre Boudine, L'appel des maths, t. 2, Cassini, p. 252-258

Articles connexes

Liens externes

  • « Quadrilatère complet », sur serge.mehl.free.fr
  • « Quadrilatère complet », sur debart.fr
  • icône décorative Portail de la géométrie