Relations entre coefficients et racines

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portrait de François Viète.

Un polynôme P {\displaystyle P} de degré n {\displaystyle n} sur un corps K s'écrit sous sa forme la plus générale :

P = a n X n + a n 1 X n 1 + + a 0 {\displaystyle P=a_{n}X^{n}+a_{n-1}X^{n-1}+\cdots +a_{0}\,}

a i {\displaystyle a_{i}} est appelé coefficient de x i {\displaystyle x^{i}} .

Si P {\displaystyle P} est scindé, on peut aussi le définir grâce à ses racines, c'est-à-dire l'ensemble des valeurs de x {\displaystyle x} qui annulent P {\displaystyle P} [1]. Ainsi, le théorème de d'Alembert-Gauss garantit que tout polynôme de degré n {\displaystyle n} à coefficients complexes admet exactement n {\displaystyle n} racines sur C {\displaystyle \mathbb {C} } , éventuellement multiples (sur R {\displaystyle \mathbb {R} } en revanche, ce n'est pas toujours vrai). Il en résulte qu'un polynôme P {\displaystyle P} à coefficients complexes peut se réécrire :

P = a n ( X x 1 ) ( X x 2 ) ( X x n ) {\displaystyle P=a_{n}(X-x_{1})(X-x_{2})\cdots (X-x_{n})} ,

avec x i {\displaystyle x_{i}} les racines de P {\displaystyle P} , éventuellement multiples. Les relations entre les coefficients et les racines portent le nom de François Viète, le premier à les avoir énoncées dans le cas de racines positives.

Relations de Viète

Polynômes symétriques

Article détaillé : Polynôme symétrique.

On définit le k {\displaystyle k} -ième polynôme symétrique à n {\displaystyle n} indéterminées, noté σ k {\displaystyle \sigma _{k}} , comme la somme de tous les produits à k {\displaystyle k} facteurs de ses indéterminées. (Il y a ( n k ) {\displaystyle {n \choose k}} tels produits possibles.) Par exemple, les polynômes symétriques associés aux indéterminées w {\displaystyle w} , x {\displaystyle x} , y {\displaystyle y} et z {\displaystyle z} sont :

σ 0 = 1 {\displaystyle \sigma _{0}=1} ,
σ 1 = w + x + y + z {\displaystyle \sigma _{1}=w+x+y+z} ,
σ 2 = w x + w y + w z + x y + x z + y z {\displaystyle \sigma _{2}=wx+wy+wz+xy+xz+yz} ,
σ 3 = w x y + w y z + x y z + x z w {\displaystyle \sigma _{3}=wxy+wyz+xyz+xzw} ,
σ 4 = w x y z {\displaystyle \sigma _{4}=wxyz} .

Plus généralement, en considérant les polynômes symétriques σ 1 σ n {\displaystyle \sigma _{1}\cdots \sigma _{n}} à n {\displaystyle n} indéterminées,

σ 0 ( x 1 , x n ) = 1 {\displaystyle \sigma _{0}(x_{1},\cdots x_{n})=1} ,
σ 1 ( x 1 , x n ) = i = 1 n x i {\displaystyle \sigma _{1}(x_{1},\cdots x_{n})=\sum _{i=1}^{n}x_{i}} ,
σ 2 ( x 1 , x n ) = 1 i < j n x i x j {\displaystyle \sigma _{2}(x_{1},\cdots x_{n})=\sum _{1\leq i<j\leq n}x_{i}x_{j}} ,
{\displaystyle \vdots }
σ k ( x 1 , x n ) = 1 i 1 < < i k n x i 1 x i 2 x i k {\displaystyle \sigma _{k}(x_{1},\cdots x_{n})=\sum _{1\leq i_{1}<\cdots <i_{k}\leq n}x_{i_{1}}x_{i_{2}}\ldots x_{i_{k}}} ,
{\displaystyle \vdots }
σ n ( x 1 , x n ) = x 1 x 2 x n {\displaystyle \sigma _{n}(x_{1},\cdots x_{n})=x_{1}x_{2}\ldots x_{n}} .

Théorème

Soient P = Σ j = 0 n a j X j {\displaystyle P=\Sigma _{j=0}^{n}a_{j}X^{j}} un polynôme scindé de degré n {\displaystyle n} et x 1 , , x n {\displaystyle x_{1},\dots ,x_{n}} ses n {\displaystyle n} racines (les racines multiples étant comptées plusieurs fois). Alors pour tout k [ [ 0 ; n ] ] {\displaystyle k\in [[0;n]]} ,

σ k ( x 1 , , x n ) = ( 1 ) k a n k a n {\displaystyle \sigma _{k}(x_{1},\dots ,x_{n})=(-1)^{k}{\frac {a_{n-k}}{a_{n}}}}

ce qui peut encore s'écrire

a k = a n ( 1 ) n k σ n k ( x 1 , , x n ) {\displaystyle a_{k}=a_{n}(-1)^{n-k}\sigma _{n-k}(x_{1},\dots ,x_{n})}


Ces relations se prouvent en développant le produit P = a n ( X x 1 ) ( X x 2 ) ( X x n ) {\displaystyle P=a_{n}(X-x_{1})(X-x_{2})\cdots (X-x_{n})} , et en identifiant les coefficients du développement (qui s'expriment à partir des polynômes symétriques des racines) avec les coefficients de P = a n X n + a n 1 X n 1 + + a 0 {\displaystyle P=a_{n}X^{n}+a_{n-1}X^{n-1}+\cdots +a_{0}} .

Exemples

  • Cas n = 2 {\displaystyle n=2} . Soient P = a X 2 + b X + c {\displaystyle P=aX^{2}+bX+c} et x 1 , x 2 {\displaystyle x_{1},x_{2}} ses racines. Alors[2],
    x 1 + x 2 = b a {\displaystyle x_{1}+x_{2}=-{\frac {b}{a}}} ,
    x 1 x 2 = c a {\displaystyle x_{1}x_{2}={\frac {c}{a}}} .
  • Cas n = 3 {\displaystyle n=3} . Soient P = a X 3 + b X 2 + c X + d {\displaystyle P=aX^{3}+bX^{2}+cX+d} et x 1 , x 2 , x 3 {\displaystyle x_{1},x_{2},x_{3}} ses racines. Alors[3],
    x 1 + x 2 + x 3 = b a {\displaystyle x_{1}+x_{2}+x_{3}=-{\frac {b}{a}}} ,
    x 1 x 2 + x 1 x 3 + x 2 x 3 = c a {\displaystyle x_{1}x_{2}+x_{1}x_{3}+x_{2}x_{3}={\frac {c}{a}}} ,
    x 1 x 2 x 3 = d a {\displaystyle x_{1}x_{2}x_{3}=-{\frac {d}{a}}} .

Sommes de Newton

Article détaillé : Identités de Newton.

Exemple introductif

On se donne le polynôme P = X 3 + 2 X 2 + 3 X + 4 {\displaystyle P=X^{3}+2X^{2}+3X+4} avec a {\displaystyle a} , b {\displaystyle b} , c {\displaystyle c} ses racines. On veut déterminer la somme a 2 + b 2 + c 2 {\displaystyle a^{2}+b^{2}+c^{2}} . Pour cela, on dispose de l'identité suivante :

a 2 + b 2 + c 2 = ( a + b + c ) 2 2 ( a b + a c + b c ) {\displaystyle a^{2}+b^{2}+c^{2}=(a+b+c)^{2}-2(ab+ac+bc)} ,

si bien que, d'après les relations de Viète :

a 2 + b 2 + c 2 = ( 2 ) 2 2 3 = 2 {\displaystyle a^{2}+b^{2}+c^{2}=(-2)^{2}-2\cdot 3=-2} .

Théorème

Les sommes de Newton sont une généralisation de ce principe. On pose s k = x 1 k + + x n k {\displaystyle s_{k}=x_{1}^{k}+\cdots +x_{n}^{k}} , où les x i {\displaystyle x_{i}} sont les racines de P = a n X n + a n 1 X n 1 + + a 0 {\displaystyle P=a_{n}X^{n}+a_{n-1}X^{n-1}+\ldots +a_{0}} (en particulier, s 0 = n {\displaystyle s_{0}=n} ). La méthode présentée dans l'exemple se généralise, mais les calculs deviennent compliqués. On peut par contre démontrer directement[4] que, pour d n {\displaystyle d\leq n}  :

a n s 1 + a n 1 = 0 {\displaystyle a_{n}s_{1}+a_{n-1}=0} ,
a n s 2 + a n 1 s 1 + 2 a n 2 = 0 {\displaystyle a_{n}s_{2}+a_{n-1}s_{1}+2a_{n-2}=0} ,
a n s 3 + a n 1 s 2 + a n 2 s 1 + 3 a n 3 = 0 {\displaystyle a_{n}s_{3}+a_{n-1}s_{2}+a_{n-2}s_{1}+3a_{n-3}=0} ,
{\displaystyle \vdots }
a n s d + a n 1 s d 1 + + a n d + 1 s 1 + d a n d = 0 {\displaystyle a_{n}s_{d}+a_{n-1}s_{d-1}+\ldots +a_{n-d+1}s_{1}+da_{n-d}=0} .

Continuité des racines

En raison de leur expression polynomiale, les coefficients d'un polynôme à coefficients complexes sont des fonctions continues de ses racines. La réciproque est vraie mais plus délicate à prouver. Considérons l'application F : C n C n {\displaystyle F:\mathbb {C} ^{n}\to \mathbb {C} ^{n}} définie par :

F ( z 1 , , z n ) = ( σ 1 , σ 2 , , ( 1 ) n σ n ) {\displaystyle F(z_{1},\dots ,z_{n})=(-\sigma _{1},\sigma _{2},\dots ,(-1)^{n}\sigma _{n})}

où les σ i {\displaystyle \sigma _{i}} sont les polynômes symétriques élémentaires définis à partir de ( z 1 , , z n ) {\displaystyle (z_{1},\dots ,z_{n})} . F ( z 1 , , z n ) {\displaystyle F(z_{1},\dots ,z_{n})} donne la liste des coefficients du polynôme unitaire ( X z 1 ) ( X z n ) {\displaystyle (X-z_{1})\cdots (X-z_{n})} (hormis le coefficient dominant égal à 1). D'après le théorème de d'Alembert, cette application est surjective. F {\displaystyle F} est continue puisque les coefficients du polynôme sont des fonctions continues des racines. La factorisation canonique de F {\displaystyle F} conduit à introduire la relation d'équivalence suivante sur l'ensemble de départ C n {\displaystyle \mathbb {C} ^{n}} de F {\displaystyle F}  :

( z 1 , , z n ) R ( z 1 , , z n ) F ( z 1 , , z n ) = F ( z 1 , , z n ) φ S n , i , z i = z φ ( i ) {\displaystyle (z_{1},\dots ,z_{n}){\mathcal {R}}(z_{1}',\dots ,z_{n}')\iff F(z_{1},\dots ,z_{n})=F(z_{1}',\dots ,z_{n}')\iff \exists \varphi \in {\mathfrak {S}}_{n},\forall i,z_{i}'=z_{\varphi (i)}}

S n {\displaystyle {\mathfrak {S}}_{n}} est le groupe symétrique sur l'ensemble { i , , n } {\displaystyle \{i,\dots ,n\}} des indices. Notons C n / S n {\displaystyle \mathbb {C} ^{n}/{\mathfrak {S}}_{n}} l'ensemble quotient. Munissons cet ensemble de la topologie quotient. F {\displaystyle F} se factorise sous la forme F ¯ π {\displaystyle {\overline {F}}\circ \pi } , où π {\displaystyle \pi } est la projection canonique de C n {\displaystyle \mathbb {C} ^{n}} sur C n / S n {\displaystyle \mathbb {C} ^{n}/{\mathfrak {S}}_{n}} , et F ¯ {\displaystyle {\overline {F}}} l'application de C n / S n {\displaystyle \mathbb {C} ^{n}/{\mathfrak {S}}_{n}} dans C n {\displaystyle \mathbb {C} ^{n}} qui, à une classe d'équivalence représentée par ( z 1 , z n ) {\displaystyle (z_{1}\cdots ,z_{n})} associe la suite des polynômes symétriques élémentaires correspondants. On peut alors montrer que F ¯ {\displaystyle {\overline {F}}} est un homéomorphisme entre l'ensemble C n / S n {\displaystyle \mathbb {C} ^{n}/{\mathfrak {S}}_{n}} des racines du polynôme à permutation près et l'ensemble C n {\displaystyle \mathbb {C} ^{n}} des coefficients du polynôme[5].

Notes et références

  1. Si P {\displaystyle P} n'est pas scindé, il suffit de se placer sur la clôture algébrique de K pour qu'il le devienne.
  2. Voir par exemple les relations coefficients-racines pour un polynôme du second degré sur Wikiversité.
  3. Voir par exemple les relations coefficients-racines pour un polynôme de degré 3 sur Wikiversité.
  4. Pellet, « Expression de la somme des puissances semblables des racines d'une équation, en fonction des coefficients », Nouvelles annales de mathématiques, 2e série, vol. 14,‎ , p. 259-265 (lire en ligne).
  5. Vincent Pilaud, « Continuité des racines d’un polynôme », (consulté le ).

Article connexe

Saut de Viète

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